"Quiconque a sonde le fond des choses devine sans peine quelle sagesse il y a a rester superficiel. C'est l'instinct de conservation qui apprend a etre hatif, leger et faux." Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir.
jeudi 12 avril 2007
Welcome to Dubailand!
Dans un royaume enchanté, pas très loin d’ici, entre le pays des vœux et celui où les rêves se réalisent, les héros et héroïnes de Dubailand évoluent dans des contes de fées qui ne s’arrêtent jamais.
Au royaume des apparences, les aveugles sont rois, les yeux éblouis par l’éclat de l’or qui brille aux cous des jolies femmes, des gratte-ciels flambants neufs et des voitures aux carrosseries rutilantes. It’s a small world, les habitants sont toujours déguisés, et la parade défile tous les jours de l’année, pour finir en feu d’artifice.
Tous les sujets de la cour sont beaux-jeunes-riches-intelligents, avec un éternel sourire ultra-brite collé aux lèvres, à force d’être semblables, les nobles de cette fête ressemblent à des Mickey et Minnie, des espèces de grands personnages ultra caricaturés : les filles sont bronzées, manucurées, épilées de près, et chirurgie plastiquées. Les garçons sont bronzés, épilés et non moins manucurés[1]. Et tout le monde s’amuse de manèges, en attractions pour adultes : plage de sable fin le matin, ski l’après-midi, golf, bateau, apéro au Buddha Bar, soirée 80’s à Shocho’s le dimanche soir, et, bien sûr, la parade quotidienne. Les nouvelles dans les journaux sont toujours bonnes, pas de délinquance, pas de crime, nous vivons dans un monde parfait où tout le monde est beau et gentil. La police roule en BMW, ils arrêtent à l’occasion une Barbie qui aura roulé trop vite dans sa SLK.
Construite au milieu de nulle part, aux confins du monde connu, entre la mer du Golfe et du désert de l’Arabie, la ville protéiforme et tentaculaire étend ses appendices sur le désert, le ciel et la mer. Gigantesque parc à thème à ciel ouvert, faite de fric et de bling, Dubailand surpasse de loin les autres parcs de loisirs du globe. Là-bas, on peut y croiser à loisir les fameux personnages : Mickey au sourire indestructible, le Lapin Fou qui court toujours, la sorcière libanaise, qui croit toujours être la plus belle, la jolie princesse marocaine endormie, qui attend son prince charmant, Aladin et sa lampe pas si magique, Ali Baba et ses 40 violeurs, les pirates des Caraïbes, la Maison Hantée par ses exs amants, tout le monde navigue sur aSmallWorld, Main Street au MOE, où l’on est toujours sûr de ne jamais passer inaperçu (d’ailleurs, qui veut passer inaperçu ici ?!), le Space Mountain n’est rien à coté de Sheikh Zayed Road après 23 heures, les itinéraires hallucinants sur des routes cabossées que nous font prendre les déviations dues au métro n’ont rien à envier au Train des Mines…
Le décor est en carton-pâte, les constructions plus folles les unes que les autres, on bat les records du monde pour montrer l’efficacité du modèle : la plus grande île artificielle, la plus haute tour au monde, la plus grande piste de ski couverte au monde…
La peinture est encore si fraîche, qu’il vaut mieux ne pas la gratter ; elle dissimule très mal le vide qui se cache au-dessous : la « plèbe » asiatique qui se démène jour et nuit dans l’ombre mais en plein soleil pour construire et nettoyer ce monde en apparence parfait.
Pour rentrer au royaume du fric et de broc, il faut montrer patte blanche : pas de vieillards, pas d’handicapés, puisque la résidence se fait sur un permis de travail, sans oublier le test du sida, pour être certain que vous ne viendrez pas entacher la perfection du royaume et propager une épidémie. Car si, comme à Disney, le vrai but de ce monde parfait, c’est l’argent facile, il y a le sexe aussi. Rien n’est autorisé donc tout est permis, tout le monde ne pense qu’au fric et au sexe, et le château se transforme bien souvent à la nuit tombée en lupanar, et la fête en orgie. Car on ne sait jamais ce qui se passe derrière les portes fermées et mes petites oreilles candides ont entendu des histoires à faire rougir les poissons rouges...
La ville est un gigantesque parc à thème, dont les admissions se font sur CV et passeport : on peut obtenir un visa d’entrée de 1 an, 2 ans, 3 ans, mais attention de ne pas y rester trop longtemps, sans cela on risque soi-même de se transformer en Mickey…
Hé bien, malgré tout ce que j’ai beau dire ce soir sur ce royaume étincelant, je dois moi-même être dans un état de transformation avancée pour rester après plus de 2 ans de résidence. D’ailleurs je vous laisse, il faut que j’aille renfiler mon costume de Mary Poppins pour la prochaine parade…
[1] Les homes, gays ou non, peuvent aller se faire manucurer dans l’un des nombreux Male Salons que la ville propose. Un favori, 1847, 4eme etage, Grosvernor’s House.
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