samedi 26 mai 2007

Feet Fetish

Certains prétendent qu’on peut toujours juger quelqu’un sur ses premiers mots, se faire une idée précise de la personne dès la 1ère phrase. Bien plus significative que « Bonjour, je m’appelle Superfille-Ciel, je suis française mais je vis a Dubaï depuis 2 ans. » Je suis d’accord, mais moi je juge de même sur les chaussures de l’individu.
Ainsi, lorsque Mr. K. me glissa au détour d’une conversation anodine un compliment sur mes talons, que je porte toujours relativement hauts, je fus pour le moins surprise. Drôle de phrase pour une rencontre !
Quand il me demanda lors de notre premier dîner si j’aimais mes pieds, je lui répondais « oui » avec un haussement d’épaules, et m’enthousiasmai tout aussi vite sur la carte des desserts, sans penser plus loin que le bout de mes souliers.
Second dîner : entre la poire et le dessert, il me demande si je prends soin de mes pieds, et me prie de détailler. Bonne compagnie, je m’exécute, non sans remarquer qu’il prit un plaisir visible à m’entendre énumérer des sujets aussi passionnants que mes rendez vous hebdomadaires chez NBAR, ma crème favorite pour les pieds (Sandal Scandal de Benefit), mes marques de chaussures préférées... Il faut dire qu’avec moi il ne pensait pas si bien tomber : ma chambre d’amis croule sous les boites de chaussures, et je suis une pêcheuse convaincue et non repentie : comment résister à une jolie paire de mules en soie rouge qui nous appelle? Intarissable sur le sujet, je trouvai incroyable de rencontrer un homme partageant mon amour pour les jolies chaussures.
Preuve que l’on peut posséder 62 paires de chaussures, en moyenne de 8 cm de talons chacune, et manquer de discernement et de hauteur quand il s’agit des hommes.
Le lendemain, je recevais non pas un message me remerciant de la charmante compagnie de la veille, mais un sms me demandant « comment vont (m)es pieds ? ». Ceci étant, laissons a ce pauvre Mr.K. l’originalité : mes pieds n’avaient encore jamais reçu de sms ! Je m’empressai de lui répondre qu’ils allaient bien, ainsi que la personne qu’ils portent. Il me répond alors qu’ils méritent un massage-au-nom-exotique, qui n’est pas sans titiller mon esprit curieux.
Le problème, c’est que les pieds mis a part, c’est à peu près le seul sujet de conversation fluide entre nous deux, et je n’ai pas grand-chose à lui dire, regardant souvent le bout de mes souliers d’un air contrit. Suis-je prête a aller plus loin avec lui et tenter le massage au nom si exotique et tentant ?
La certitude d’être assez forte et lui tenir tête pour ne pas monter au-delà des mollets (allez, je suis prête à lui accorder un genou), me fit accepter un troisième rendez-vous. La courbe de mes pieds semblait en effet l’intéresser davantage que la courbe de mon dos.
J’acceptai ainsi, non sans m’interroger d’ailleurs : jusqu’où suis-je prête à aller pour la science? Votre humble chercheuse est elle prête à sacrifier ses pieds sur l’autel de la recherche? Jusqu’où allait mon sens du sacrifice ? Pouvais-je supporter qu’il me casse encore un peu les pieds, en échange d’un massage divin (et d’un compte-rendu croustillant pour une prochaine chronique)?
Après bien des piétinements, je décidai bravement d’attaquer le troisième rendez-vous armée de mes mules YSL en soie peinte à la main, de la dernière collection de Tom Ford « in the mood for love » (autant dire, un Collector). Dans mon cas, c’était plutôt « in the mood for négociation », et, grandie de mes 10cm de talons, j’arrivai au restaurant pleine d’aplomb, décidée a négocier un massage et rien d’autre.
Il ne s’aperçut pas d’abord de mes divines mules, et la conversation passait d’un sujet à l’autre avec l’aisance d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, quand son regard se porta sur elles. Que n’avais-je pas fait !
Je me rappelais aussitôt ces cartoons où les personnages se figent et la musique s’arrête soudainement, les laissant en suspension dans les airs, avant de tomber dans le précipice. C’est à peu près ce qui s’est passé, et si j’avais pu me cacher dans ma mini pochette Chanel, j’aurais quitté le restaurant incognito sur la pointe des pieds. Il tomba en arrêt non seulement sur mes chaussures, mais sur mes pieds (que j’ai fort beaux, merci bien). Légèrement mal à l’aise face au côté quelque peu dramatique de la scène, je le taxai de ‘feet fetish’, ce qui ne parut pas l’offusquer, mais au contraire le flatter, puisqu’il retourna ma question, me demandant si je savais exactement ce que cela signifiait. J’aurais préféré en rester la, et lui aurais volontiers donné mes mules YSL en sacrifice, pour avoir le droit de quitter le restaurant sur la pointe des pieds, plutôt que d’entendre sa définition, suivie d’exemples concrets inspirés par mes pieds. Tirade qui provoqua chez lui une jouissance évidente, et je me demandai même un instant s’il me fallait demander des mouchoirs aux serveurs compatissants.
Quoiqu’il en soit, mon courage littéraire a des limites, et je décidai de faire un pied de nez à la science, refusant d’aller plus loin dans une expérience qui finissait par me casser les pieds. Je tournai donc les talons, me disant que Mr.K. n’était certainement pas le bon, et qu’un jour je trouverai chaussure a mon pied. En attendant, il me reste Sergio, Jimmy, Manolo, Marc et les autres… Et devinez ce que j’ai acheté pour oublier Mr.K. lors de ma séance shopping du lendemain ?

Aucun commentaire: